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Les seins d'Emmanuelle

Infos pour transcender un cancer du sein

Salut d'une vieille branche

Le saviez-vous ? Des chimiothérapies contre le cancer du sein sont issues d'un arbre : l'if. 

Le jour où j'ai découvert, grâce à une étape du Dr Bernard Fontanille et ses Médecines d'ailleurs sur Arte en Colombie-Britannique (Canada), que la chimiothérapie qui m'était injectée chaque semaine avait pour origine cette bonne vieille branche d'if, je me suis sentie en terre connue, et quelque peu rassurée. Même si la chimiothérapie a pour effet de juguler la prolifération anarchique des cellules, la prégnance de ses effets secondaires n'en rend pas l'administration la plus psychologiquement aisée. Mais savoir que cet arbre, familier de nos paysages et côtoyé lors de randonnées, venait en quelque sorte à mon secours, m'a permis de mieux accepter le traitement. 

Mortel et immortel

Conifère de la famille des taxacées, à la fière allure bien qu'un peu sévère, l'if s'est répandu en Amérique, en Europe et en Asie, où, si on lui fiche la paix, il peut vivre 2000 ans, ce qui est encourageant lorsque l'on se soigne d'une maladie mortelle. Symbole d'immortalité, protecteur de la famille impériale du Japon et cerbère des portails de nos cimetières, l'altier végétal aux arilles (fruits) rouges présente pourtant une grande toxicité. Toutes ses composantes sont susceptibles d'entraîner une intoxication, voire un décès. La graine est la partie de la plante la plus toxique si elle est mâchée. Les doses mortelles sont de 500 g à 1 kg pour une vache, de 200 g pour un cheval, 20 g chez le lapin renseigne le blog La mouette Mouic. Et Jules César rapporte dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules que le chef éburon Catuvolcos se donna la mort en ingérant de l'if.

L'empereur romain ne fait pas état de la quantité létale de l'if pour l'homme. Et les Grecs pensaient qu'une sieste dans son ombre pouvait entraîner la mort. Mais comme chacun le sait depuis Mithridate - à l'origine du concept de mithridatisation, soit la consommation régulière de faibles doses de poison pour y accoutumer l'organisme et développer une résistance - tout est question de dosage. Tel est l'enjeu de la chimiothérapie, inoculer un poison à faible dose, mais régulièrement, pour envoyer à la cellule l'information la menant à cesser sa division effrenée. C'est ici qu'intervient notre vieille branche d'if, qui renferme une molécule, le paclitaxel, présente dans l'if américain (Taxus brevifolia) et européen (Taxus baccata). 

Alors, comment ça marche ?

Le paclitaxel agit en ''déprogrammant'' la cellule, en empêchant la dépolymérisation des microtubules des cellules, soit au final en bloquant la division des cellules et en entrainant leur mot. Par quel processus ? ''La molécule se fixe sur l'extrémité amino-terminale de la tubuline. Ceci bloque la dépolymérisation du microtubule et entraîne la stabilisation de celui-ci par formation d’un manchon. Le paclitaxel favorise également la polymérisation des microtubules qui se dispersent alors de manière anarchique dans la cellule. Les chromosomes ne peuvent donc plus migrer à chaque pôle de la cellule, cela bloque la division cellulaire juste avant l’anaphase. La cellule étant bloquée, elle reçoit un message d'apoptose'' (c'est-à-dire d'autodestruction - NDLR), renseigne Wikipédia

Les vertus de l'écorce d'if dans le traitement du cancer ont été mises en lumière dans les années 1960 aux Etats-Unis d'Amérique. En 1964, les Dr Monroe Wall et Mansukh Wani isolent le paclitaxel, et en 1979, la Dr Susan Horwitz découvre le mécanisme d'action de la fameuse molécule, et les possibilités d'un usage anticancéreux. Après des essais cliniques dans les années 1980 sur divers types de cancers, en 1992, l'autorisation de mise sur le marché est donnée en 1992 par la Food and drug administration (FDA) pour l'utilisation du paclitaxel dans le traitement du cancer de l'ovaire, puis en 1994 dans le traitement du cancer du sein. 

Aucun arbre n'a été tué pour vous soigner

Si Taxus brevifolia (l'if américain) a la capacité de vivre très longtemps, sa croissance n'en est pas moins très lente. Lorsque l'on sait que 200 ans lui sont nécessaires pour atteindre sa maturité, que 10 kilos d'écorce fournissent seulement 1 g de médicament, permettant trois cycles de chimiothérapie et que sans son écorce l'arbre meurt, on est fondé à se poser la question du bilan carbone de son cancer ! Fort heureusement, des molécules de synthèse substituent désormais les extraits naturels. Quelque 12 000 arbres ont été abattus dans les années 1980 pour l'obtention de 2 kilos de paclitaxel, et la réalisation des essais cliniques. Mais si vous subissez une chimiothérapie, a priori aucun arbre n'a été tué pour vous soigner. 

Le ravage environnemental que représentait l'exploitation de l'écorce d'if américain a conduit à des investigations pour l'utilisation des feuilles en substitution. Ce médicament a été obtenu par hémisynthèse du végétal, c'est-à-dire la synthèse chimique de la molécule à partir de composés naturels possédant déjà une partie de la molécule visée. Les feuilles d'if sont donc désormais récoltées à cette fin. Et il existe en Belgique une association baptisée Couper court au cancer, qui incite les particuliers à tailler leur haie d'ifs pour contribuer au financement de la lutte contre le cancer. 

 

 

 

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